vendredi 20 mai 2011

Attention aux Iles Eparses

Madagascar Résistance
Lettre numéro 63 – mai 2011

Rappel du contexte du droit international

Nous avions consacré, en septembre et en octobre 2010, trois numéros (n°31, 32 et 33) au dossier sur les Iles Eparses.

Dans ces trois numéros, nous avions axé nos informations et nos analyses sur le nouveau contexte géopolitique qui fait de cette partie sud-ouest de l’Océan Indien une zone essentielle pour l’avenir du commerce mondial et sur le droit international. Ainsi, dans notre lettre n°31 nous nous posions la question de savoir si la diversification des partenaires économiques de Madagascar opérée par Marc Ravalomanana, et la part obtenue par Total dans l’exploitation du pétrole jugée insuffisante par Paris expliquaient à elles seules la détermination totale de la France à garder coûte que coûte sous son contrôle les dirigeants présents et à venir de Madagascar. Et nous étions arrivés à la conclusion que si nous détournions les yeux du chiffon rouge que constituent les négociations inter-malgaches pour sortir de la crise politique, si nous prenions du recul, nous verrions se dessiner les contours d’une grande manœuvre dont l’enjeu n’est ni plus ni moins que mondial comme le montrait une analyse de Mohammed Hassan, spécialiste de géopolitique et du monde musulman.

Pour ce dernier, "Les rapports de force à l’échelle mondiale sont en plein bouleversement. Et la région de l’océan Indien se trouve au cœur de cette tempête géopolitique. …Comme le prédit le journaliste américain Robert D. Kaplan, proche conseiller d’Obama et du Pentagone, l’océan Indien va devenir le centre de gravité stratégique mondial du 21ème siècle. Non seulement cet océan constitue un passage vital pour le commerce et les ressources énergétiques entre le Moyen-Orient et l’Asie de l’Est, mais il est aussi au cœur de l’axe économique qui se développe entre la Chine , d’une part, et l’Afrique et l’Amérique Latine, d’autre part.

... La troisième stratégie chinoise, surnommée « collier de perles », consiste à construire des ports dans des pays amis le long de la côte nord de l’océan Indien. Objectif : disposer d’un trafic maritime autonome dans cette région. Ceci aurait de grandes conséquences pour l’Afrique. Des pays comme le Mozambique, la Somalie, l’Afrique du Sud ou Madagascar pourraient rejoindre ce grand réseau de l’océan Indien. Si l’on y développe de nouveaux ports comme celui de Gwadar, cela provoquerait un boom économique considérable dans cette région d’Afrique. Parallèlement, les activités des grands ports européens comme Marseille ou Anvers déclineraient. Connecter l’Afrique au marché asiatique grâce à l’océan Indien serait une véritable aubaine pour le continent noir. Nelson Mandela, lorsqu’il était président de l’Afrique du Sud, souhaitait voir aboutir ce projet mais les Etats-Unis et l’Europe s’y opposèrent. Aujourd’hui, la Chine a les moyens de prendre les devants.

Cet axe Sud-Sud se met en place : les pays du tiers monde échappent aux divisions instaurées entre eux et coopèrent de plus en plus. Le monde est en plein bouleversement !» (Voir l’intégralité de l’interview donnée par Mohammed Hassan en annexe sur notre blog)

S’agissant du droit international applicable au contentieux opposant Madagascar à la France à propos des Iles Eparses, nous écrivions dans notre Lettre n°33 que « concernant le respect du droit, le professeur de droit international André Oraison confirme le bien fondé de la revendication de Madagascar sur les Iles Eparses dans le canal de Mozambique et souligne par ailleurs que l’Etat malgache est le seul à pouvoir éventuellement revendiquer l’île de Tromelin, dans une tribune libre parue dans le Quotidien de La Réunion du 20/6/10, suite à l’accord cadre franco-mauricien signé le 7 juin 2010 établissant une cogestion de Tromelin. Et que "lors d’une conférence donnée à Saint Paul le 6 octobre2010, le professeur André Oraison a réitéré la non-conformité au droit international du décret d’avril 1960 (adopté par le gouvernement français 24 heures avant celui proclamant le retour de l’indépendance de Madagascar) soustrayant les Iles Eparses du territoire de la république malgache".

Prochaine étape : Les Nations Unies

La Commission des Nations Unies chargée des limites du plateau continental devant examiner durant sa session qui se tiendra du 1er août au 2 septembre prochain le dossier déposé par Madagascar le 29 avril 2010, il nous paraît aujourd’hui opportun de traiter de nouveau ce sujet dans le présent numéro.
Paradoxalement, ou bien faudrait-il dire « évidemment », compte tenu des liens entre le pouvoir putschiste et Paris, les médias malgaches n’ont pas abordé en 2009 le sujet des Iles Eparses, à l’exception du journal « Taratra » qui a protesté, dans un article en date du 29 juin 2009, contre l’octroi par le gouvernement français en décembre 2008 d’un permis de recherche pétrolière au large de Juan de Nova à trois sociétés. (Voir l’arrêté du ministère français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire en annexe sur notre blog).

On a observé le même silence des médias malgaches après l’accord-cadre portant sur la gestion de Tromelin signé entre la France et l’Ile Maurice en juin 2010. Et c’est par le Journal de l’Ile de la Réunion (17/05/11) que l’on apprend que "Madagascar a déposé en avril dernier une demande d’extension de son plateau continental au-delà de la limite des 200 milles nautiques de la zone économique exclusive".

Ainsi, sur un sujet aussi important pour Madagascar en termes de ressources marines et sous-marines potentielles supplémentaires offertes par les Iles Eparses ; de sécurité militaire vu la proximité de ces dernières par rapport aux côtes malgaches ; de sécurité environnementale vu les risques de pollution du Canal de Mozambique par les nombreux navires pétroliers qui le sillonnent alors que l’essentiel des ressources halieutiques et touristiques malgaches se trouvent le long de ce canal, les Malgaches n’ont reçu et ne reçoivent encore aucune information.

Ils sont tenus dans l’ignorance des enjeux et du contenu du dossier déposé aux nations Unies. Ils ne sont ainsi pas en mesure d’apprécier si le dossier déposé défend bien les intérêts de leur pays ou non.
Ils ne sont pas mobilisés, alors qu’ils devraient l’être, toutes tendances politiques confondues, autour de la défense de ces intérêts. Manque de professionnalisme des médias malgaches ou impossibilité d’aborder ce sujet pour "des journalistes (qui) ont cette année encore été soumis à des manœuvres d’intimidation et à des actes de harcèlement" ou pour "des organes de presse privés et ceux perçus comme ayant des liens avec l’opposition (qui) ont été pris pour cible (parmi lesquels) trois stations de radio au moins ont été interdites" ? (Rapport 2011 d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde)

Mais certainement manque de sens politique des leaders de l’opposition à qui il revient également de combler ce manque d’information, sur les Iles Eparses comme sur tous les autres sujets d’importance nationale.
C’est peut-être là une des raisons qui ralentit le rassemblement de tous ceux, chaque jour de plus en plus nombreux, qui souhaitent la fin de la situation actuelle en une masse qu’il serait difficile de contenir.
Rassembler autour des principes et des positions politiques est utile mais non suffisant. Informer le plus grand nombre possible de citoyens sur les enjeux d’envergure nationale, sur les défis qu’il faudra relever pour reconstruire le pays, en mettant en exergue ce que l’on se propose de faire, et en insistant sur le caractère à la fois impératif et urgent du rétablissement de l’ordre constitutionnel pour pouvoir redresser le pays, accélèrera la mobilisation .

Fidèles à notre objectif de contribuer à une meilleure information et à la défense des intérêts de la Grande Ile, nous renouvelons à travers ce numéro notre appel à la vigilance et à la mobilisation de toutes les compétences nationales malgaches autour du dossier des Iles Eparses.
Il serait criminel de faire passer les intérêts politiques ou financiers des uns ou des autres avant le devoir qui nous est fait de protéger l’avenir des générations qui vont nous succéder.
Parmi les personnes ressources dont Madagascar dispose figure en tête le Professeur Raymond Ranjeva qui ajoute à ses compétences juridiques mondialement reconnues, une connaissance approfondie de ce dossier.

Intégrer le Professeur Raymond Ranjeva dans l’équipe en charge du dossier des Iles Eparses serait un signal positif vers l’espoir d’un possible retour à l’ordre normal des choses, un signal vers le possible dépassement des querelles politiques par le truchement d’actions communes menées pour le bien du pays commun.

Car ne l’oublions pas : les vicissitudes politiques passeront, mais Madagascar demeurera.

Dans le cas contraire, ce serait la confirmation de l’oubli ou du mépris des intérêts vitaux de Madagascar, ce dont les responsables devront un jour rendre compte.

Les Inconditionnels de Madagascar,
À l’Ile de la Réunion

1 commentaire:

  1. Mes remerciements et ma reconnaissance sur cette article intelligent, qui j'espère fera réfléchir nombre de mes compatriotes sur les enjeux importants et urgents occultés par cette crise politique mais qui doivent pourtant rester en tête

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